Actualitéfleche titre

Impact de la fréquence de la traite sur la production laitière des vaches

(18/09/2015)


Impact de la fréquence de la traite sur la production laitière des vaches


Le but de tout éleveur ouvert au progrès est d’accroître la production laitière de ses vaches. Dans cette optique, l’amélioration génétique peut jouer un rôle important, mais seulement dans le cas d’une stratégie à long terme. À court terme, la conduite alimentaire et le management du troupeau sont deux actions qui peuvent être mises à profit. L’une des voies préconisées est d’augmenter la fréquence de traite des vaches.
Généralement, le rendement laitier des vaches est directement lié au nombre de traites quotidiennes, tant  en situation de traite robotisée que de traite traditionnelle. Il est donc intéressant de discuter l’impact de la fréquence de traite sur la production laitière, et les mesures d’accompagnement que l’éleveur doit prendre pour tirer profit de cette stratégie.
Impact sur la quantité de lait
La fréquence de traite la plus utilisée chez les vaches laitières est la traite 2x/jour. Or, la vidange répétée de la mamelle permet de réduire la pression intra mammaire, et donc l’inhibition de la production de lait, ce qui permet d’obtenir un rendement laitier élevé.
En revanche, la réduction de la fréquence de traite réduit de manière significative la sécrétion de lait par les cellules mammaires à partir du moment où la mamelle est remplie.
Par conséquent, traire une vache plusieurs fois par jour augmente sa production laitière. Chez les vaches laitières de race Holstein, le passage de 2 à 3 traites/ jour augmente la production laitière journalière de 3,5 kg en moyenne, et le passage de 2 à 4 traites/ jour engendre une augmentation moyenne de 4,9 kg de lait/jour, soit une amélioration de la production laitière par lactation qui peut aller jusqu’à 25%. Le passage de 3 à 4 traites/jour conduit à une augmentation de la production laitière par lactation de 5 à 10%. La traite des vaches 6x/jour au lieu de 3x/jour augmente la production laitière de 7,3 kg/jour en moyenne.
Par ailleurs, pour obtenir une production laitière élevée, les vaches n’ont pas besoin d’être traites plusieurs fois par jour pendant toute la lactation, mais seulement au début de la lactation. En effet, des études ont montré qu’une augmentation de la fréquence de traite qui s’étire au-delà des trois premières semaines de lactation ne procure que peu d’avantages sur le plan du rendement pendant le reste de la lactation, comparativement à une modification effectuée dans les 21 premiers jours de lactation. Ainsi, l’augmentation de la fréquence de traite chez les vaches qui ont récemment vêlé, pendant les 21 premiers jours de lactation ( de 3 à 6 premières semaines), à partir du 4ème jour post-partum, augmente la production laitière tout au long de la lactation, même si on revient à 2 ou à 3 traites par jour après cette période.
Il est même vivement conseillé de traire les vaches 4x/ jour si elles sont habituellement traites 2x/jour, et 6x/jour si elles sont habituellement traites 3x/jour pendant les 3 premières semaines de lactation afin d’exploiter pleinement leurs capacités de production. Néanmoins, la modification de la fréquence de traite des vaches ne doit pas avoir lieu à n’importe quel moment au cours de la lactation. Si changement il y a, il doit s’opérer de préférence au début de la lactation. Bien que l’augmentation de la fréquence de traite soit plus avantageuse chez les primipares que chez les multipares, il semble que l’impact du passage de 2 à 3 traites par jour est presque le même aussi bien chez les primipares que chez les multipares. La réduction  du  nombre de traites a des effets indésirables sur la production et le bien-être de la vache laitière. Ainsi, la traite  x au lieu de 2x/jour entraîne une baisse de la quantité de lait de presque 30% accompagnée d’une  augmentation du taux protéique de 1,8 g/kg et du taux butyreux de 2,5 g/kg. En outre, le comptage cellulaire est régulièrement plus élevé durant la lactation avec une dégradation plus forte en fin de lactation. De plus, le passage à une traite par jour entraîne un léger inconfort chez les vaches laitières en tout début de lactation, probablement à cause de la pression mammaire plus importante (mamelle dure, perte de lait, vaches agitées et souvent debout...).
Impact sur la composition du lait
L’accroissement de la fréquence de traite des vaches laitières améliore la quantité de lait produite et diminue le taux butyreux et le taux protéique du lait particulièrement chez les vaches en début de lactation. En revanche, le passage de 2 à 3 traites par jour résulte en une augmentation de presque 100 g/jour de la quantité de matières grasses et 80 g/jour de la quantité de matières protéiques. Ainsi, la réduction de la fréquence de traite des vaches en fin de lactation peut améliorer la teneur en protéines du lait sans pour autant faire chuter leurs performances laitières.
Impact sur le comptage des cellules stomatiques (CCS)
On peut penser qu’une hausse de la fréquence de traite et donc une ouverture répétée des orifices les trayons favoriserait la pénétration des germes dans la mamelle et détériorerait sa santé. En réalité, il n’en est rien de cela car la santé de la mamelle se trouve même améliorée, comme si une fréquence de traite élevée permet d’évacuer les microorganismes avant qu’ils ne s’installent définitivement dans la mamelle. Ainsi, une fréquence de traite de 3x plutôt que 2x/jour améliore la santé de la mamelle et réduit le CCS. Toutefois, cette amélioration se trouve annulée lorsque les vaches reviennent à 2  traites/jour, avec une incidence limitée sur le CCS. Par ailleurs, le score du CCS passe de 3,12 chez les vaches traites 3x/jour à 2,31 chez celles traites 6x/jour.
Impacts collatéraux et conditions de réussite
Apport alimentaire
L’amélioration de la production laitière observée suite à l’augmentation de la fréquence de traite n’est pas entièrement imputée à cette stratégie; seul 1/3 est dû à la fréquence de traite, les 2/3 restants sont la conséquence d’une ingestion élevée d’aliments suite à l’augmentation de la production de lait et donc des besoins de production des vaches.
Ainsi, l’éleveur doit être conscient que l’augmentation de la fréquence de traite chez les vaches s’accompagne automatiquement d’un accroissement de la quantité d’aliments ingérés. Si la fréquence de traite est modifiée sans que l’apport alimentaire ne soit amélioré, la nouvelle stratégie de traite ne s’accompagnera pas d’une amélioration du rendement laitier.
Main d’œuvre
Traire les vaches plusieurs fois par jour nécessite une organisation du travail plus exigeante: traite, distribution d’aliments. Des expériences récentes ont montré que les vaches traites 3x/jour nécessitent 50% de travail de plus que celles traites 2x/jour.
Autres facteurs
Les vaches passent approximativement 21 heures par jour à s’alimenter, ruminer et se reposer. Evidemment, l’augmentation de la fréquence de traite réduit ce volume horaire et perturbe l’équilibre de base nécessaire pour que les vaches performent mieux. C’est pourquoi il est nécessaire dans ce cas de :
    Limiter le temps des allers-retours à la salle de traite en plaçant les vaches à traire plusieurs fois par jour (vaches qui ont récemment vêlé et traites 4x ou 6x) dans une étable proche de la salle de traite.
    Réduire le temps d’attente à la salle de traite en augmentant sa capacité.
    Diminuer le nombre de traites des vaches malades afin de leur laisser le temps de s’alimenter et de se reposer.

L’augmentation de la fréquence de traite des vaches laitières conduit à une amélioration de la quantité de lait produite. Toutefois, ce résultat n’est possible que si on fournit au troupeau une alimentation équilibrée et suffisante qui supporte l’augmentation de la production. II n’est pas nécessaire de modifier la fréquence de traite chez toutes les vaches du troupeau en même temps. On peut se concentrer sur l’accroissement de la production chez des vaches, en début de lactation (les 100 premiers jours de lactation au grand maximum), surtout les primipares. Avant de modifier la fréquence de traite d’un troupeau, il est nécessaire d’évaluer si l’augmentation du revenu du lait est suffisante pour couvrir le coût des dépenses collatérales liées à la main d’œuvre, l’alimentation, le
matériel...

Agriculture du Maghreb N° 85 / 2015-31
Prof Ismail Boujnane, IAV Hassan II Rabat

Source : Agriculture du Maghreb