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Asrir: Quand L'oasis reverdit

(05/01/2010)

Il faut du temps, beaucoup de temps, pour rejoindre l’oasis d’Asrir, aux portes du Sahara, à 800 km au sud de la capitale du Maroc. Il faut rouler, prendre l’avion, et rouler encore, sur des routes de plus en plus défoncées. Mais au bout du voyage nous attend, dit-on, le paradis. « Quand on arrive du désert, l’oasis, c’est le début du paradis, mais quand on vient des zones arrosées, au nord, il faut davantage d’imagination pour y voir le paradis», dit en riant Mbarak Nafaoui, le maire d’Asrir. Au-delà, il n’y a plus d’eau, plus d’arbres, rien que du vent et de la pierre. Mais avec ce bijou de verdure qui émerge de la pâleur du désert. Si la vision est idyllique, la réalité l’est beaucoup moins. La palmeraie est envahie par le sable, les palmiers abandonnés étouffent sous les branches mortes, les maisons en pisé, vidées de leurs habitants, se désagrègent. Asrir est en sursis. «Le problème, c’est l’eau, explique un agriculteur en nous dirigeant vers ses parcelles.

Lahcen Taharo ne peut plus irriguer que la moitié de ses terres. Les rescapées sont de magnifiques jardins, des modèles d’agriculture oasienne «en trois strates», comme disent les agronomes. En haut, la voûte sombre des palmiers dattiers conserve l’humidité. Au-dessous poussent des grenadiers et des figuiers et, au sol, des céréales et de la luzerne. L’ensemble est arrosé par une eau tirée du sous-sol, acheminée par des canaux. C’est ce système, mis au point il y a des centaines d’années par les maîtres de l’hydraulique arabe, qui a permis à la vie d’éclore et de prospérer dans ce milieu hostile.
Mais il y’a aussi la maladie du bayoud, un champignon qui attaque le plamier par la racine et le tue. En un siècle, le Maroc a perdu la moitié de son patrimoine. Et puis s dans le désert, l’eau est rare, quand la pluie tombe, elle est diluvienne et emporte tout sur son passage. Les terres s’érodent et le morcellement des parcelles divisées par les héritages aggrave encore les choses. Au fil des successions, beaucoup de paysans se retrouvent à la tête de mouchoirs de poche, bien trop petits pour faire vivre une famille.
Les autorités marocaines tentent, tardivement, d’inverser la tendance. Le programme de sauvegarde des oasis du Sud, lancé par le gouvernement, a permis la réalisation du barrage de Fam El Hisn, à 100 km d’Asrir en 2008. Ce n’est pas un grand ouvrage d’art comme les aiment les Marocains, mais une petite retenue, qui permet de réalimenter la nappe souterraine. Avec le barrage, «les choses sont en train de changer. Les gens reviennent. Ils ont à nouveau confiance». La palmeraie reverdit. Mohamed Oudali se dit prêt à passer bientôt à l’irrigation au goutte-à-goutte, qui permet d’économiser 50% d’eau par rapport au système
traditionnel, «et de protéger la nappe». En s’appuyant sur les élus locaux, M. Houmymid et son équipe explorent toutes les pistes pour arracher les oasis au déclin : écotourisme, élevage de races locales, équipement de parcelles au goutte-à-goutte, réhabilitation des systèmes d’irrigation, construction de moulins collectifs, création de coopératives de conditionnement de dattes, réhabilitation du patrimoine architectural, soutien à l’artisanat local, opérations de nettoyage... «Les solutions techniques, on les a. L’argent, on en trouve, commente
M. Houmymid. Le plus dur, c’est de changer les mentalités, de convaincre qu’on peut vivre sur cette terre. Mais si on ne s’intéresse pas aux besoins de la population, rien ne marche. Les gens ont d’autres priorités dans la vie que la lutte contre la désertification.» Autre planche de salut, l’agriculture. A Asrir toujours, la coopérative Waha transforme le cactus en or : confiture,
huile, aliment du bétail. Ses dix membres ont entre 20 et 30 ans, et ont tous misé un peu de leur argent.

Source : Agriculture du Maghreb