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Le label Maroc à l’étranger : une image encore à construire

(01/11/2009)

Certes, le Maroc exporte en quantité et vers une grande variété de destinations des produits de la mer, des olives, et, dans une moindre mesure, d’autres produits alimentaires transformés. Mais l’origine « Maroc » est-elle vraiment connue et reconnue par les acheteurs et consommateurs étrangers ou souffre-t-elle d’un déficit d’image ? Enquête.

Florence CLAIR

 
 Pour les exportations d’agrumes et de tomates, l’origine Maroc bien connue des acheteurs, et même des consommateurs puisque le pays de provenance est généralement indiqué. Les organisations professionnelles ont réalisé un important travail pour construire ce label « Maroc ». Or, ces efforts sont restés cantonnés aux produits non transformés. « On aurait pu exploiter la marque différemment, sur des produits plus élaborés », regrette Hakim Marrakchi, Vice-président de la Fenagri.

Soyons clair, il n’existe pour l’instant pas officiellement de label Maroc pour l’agro-industrie, et donc pas de visibilité. A défaut d’un label commun, les exportateurs marocains arrivent à tirer leur épingle du jeu en se positionnant sur différents créneaux. On peut ainsi distinguer 4 positionnements sur les marchés étrangers : premier prix, ethnique, halal et haut de gamme.

 
Du premier prix au haut de gamme

Prenons tout d’abord le cas emblématique des produits de la mer. Certes, « la qualité de nos sardines, de nos anchois et de notre farine est reconnue dans le monde entier », affirme Hassan Sentissi, Président de la Fenip. Et pour Herbert Nölting, importateur allemand de conserves marocaines depuis 55 ans, « ce produit marocain a une excellente réputation, avec un positionnement prix économique. » Mais si 90% des sardines vendues en Allemagne proviennent du Maroc, la plupart sont sous marque de distributeur ou marque internationale, avec une origine non spécifiée. C’est le cas également chez Carrefour, en France, où les conserves marocaines de sardines et maquereaux sont à la marque du groupe. « Pour nous, leur attrait essentiel est le prix d’achat », explique l’enseigne. L’Afrique et le Moyen-Orient sont aussi des marchés de prix.

En confiserie, la plupart des exportations se font également sous MDD. « Dans ce secteur, il n’y a pas d’image définie de la production marocaine. Nous nous positionnons sur l’innovation, la qualité, le service, le prix et la réactivité », indique Hakim Marrakchi, DG de Maghreb Industries. Pour le secteur RHF, les centrales d’achat comme Pomona ou Transgourmet reconnaissent la qualité des olives, des câpres, des abricots… marocains, mais les produits y restent anonymes pour le consommateur. Bref, comme le souligne Mohammed Edderkaoui, Directeur Marketing d’Unimer-VCR, « le Maroc est un fournisseur, pas une marque. »

Un créneau sur lequel le Maroc se défend mieux est le marché ethnique. Initialement cantonnés aux épiceries traditionnelles en Europe, les produits marocains commencent à se faire une belle place dans les rayons des grandes surfaces. Ainsi, chez Carrefour, on peut trouver le couscous Dari ou le vinaigre El Baraka. La marque Aïcha, importée en UE par la société Copram, a su s’imposer et accompagner le développement récent des rayons ethniques : « nous sommes présents dans 150 hypermarchés Auchan avec 30 références et chez Casino avec la confiture », indique Gilles Devico, DG de Copram. Des produits qui commencent même à sortir du rayon ethnique pour participer à des opérations « Ramadan » ou « Méditerranée », voire pour affronter directement la concurrence dans les rayons traditionnels. En GMS, les clés de la réussite sont bien sûr un produit de qualité, mais aussi un beau packaging, chose qui a tendance à être négligée. Le Maroc tire donc bien son épingle du jeu, notamment par rapport à son concurrent tunisien, surtout connu pour la harissa ou l’huile d’olive.

Du côté du marché halal, en pleine croissance, le Maroc a également une carte à jouer. Certains exportateurs, comme Agro Food Industrie, fabricant de petits pots pour bébés, se positionnent d’abord comme produit halal. « Mais l’appellation halal est appuyée par le terme ‘’produit au Maroc’’ et des recettes orientales comme les petits pots couscous ou tajine », explique Philippe Charot, Gérant d’AFI.

Enfin, certains produits, comme l’huile d’olive, l’huile d’argan, le vin, se positionnent en haut de gamme, avec une distribution en épiceries fines ou restauration. Ainsi, certaines grandes tables parisiennes proposent des vins marocains comme le CB Initiales par exemple. Pour l’huile d’olive, de nombreux efforts ont été fournis pour améliorer la qualité, mais le secteur part de loin. En effet, il y a encore 4 ou 5 ans, le Maroc n’exportait que de l’huile lampante, en vrac. Mais on assiste aujourd’hui à l’émergence de marques et de jeunes producteurs qui font de l’huile extra vierge de qualité. Plusieurs huiles ont d’ailleurs obtenu des récompenses lors de concours internationaux. Ainsi, Volubilia s’est distinguée en raflant le prix de la meilleure huile d’olive du Guide Extravergine en 2006. Un résultat obtenu grâce à une démarche très qualitative. Selon Christophe Gribelin, Administrateur du Domaine de la Zouina, « forts d’une légitimité au Maroc, nous n’avons pas eu peur de nous frotter aux meilleurs huiles d’olive étrangères […]. Ces prix confortent notre travail et nous aident à attirer les importateurs, mais il reste un gros travail à faire sur le consommateur final. »

Comment donc faire connaître les produits du Maroc ? Tous les professionnels rencontrés sont d’accord sur deux points : il est inconcevable de construire un label Maroc sans une garantie d’approvisionnement en qualité et en quantité, et il serait suicidaire de suivre la tendance et de s’orienter uniquement vers un marché de prix.

 

Régler le problème de l’approvisionnement

En effet, sans un minimum de sérieux dans l’approvisionnement, il ne faut même pas chercher à démarcher la grande distribution. De plus, certaines filières, qui n’ont pas de problème pour vendre, auraient tendance à se reposer sur leurs lauriers. Un opérateur donne l’exemple de la sardine : « comme l’offre est insuffisante, on n’a pas de difficulté à vendre. Donc on s’endort, on n’innove pas. » Le réveil risque d’être très douloureux si certains pays concurrents obtiennent l’appellation « sardine » !

Pour l’olive de table et l’huile d’olive, le Maroc s’est laissé distancer par les productions espagnoles et italiennes. Aujourd’hui, les groupes industriels s’attachent à développer leurs propres plantations. « Nous avons planté 600 ha, et nous en prévoyons 400 autres pour développer nos marques à l’export », indique Abdellali Zaz, Chef du département oléicole chez Lesieur Cristal. Les Conserves de Meknès ont depuis longtemps leurs propres terrains agricoles car « la maîtrise de la qualité et de la quantité sont indispensables pour l’export », assure Gilles Devico. Quant à la filière produits de la mer, elle continue de souffrir, en l’absence d’une stratégie claire et d’une politique de l’aquaculture.

Enfin, pour M. Marrakchi, la transformation, et donc la recherche de valeur ajoutée, doit également être encouragée au niveau administratif et fiscal, et le gaspillage combattu en mettant à niveau les équipements et le personnel.

 

Pour une reconnaissance du « made in Morocco »

Autre cheval de bataille, la différenciation. En effet, « il ne sert à rien d’aller proposer à l’étranger de la mayonnaise marocaine », constate M. Edderkaoui. Le groupe Unimer-VCR a ainsi développé la marque Chermoula, une préparation typiquement marocaine, qui a été retenue par les acheteurs étrangers. De même, les très bons résultats observés par la marque Aïcha en France (+30% par an depuis 3 ans !) sont le fruit d’un gros travail de R&D, d’élaboration de packaging et de marketing pour développer une gamme complète de produits 100% et spécifiquement marocains (mais pas seulement pour la communauté des MRE) : sauces tajines, olives, condiments, huile d’olive ou d’argan, etc.

Car le consommateur, même s’il n’est pas d’origine marocaine, et plus particulièrement en Europe et en Afrique de l’Ouest, connaît bien le Maroc. Le pays bénéficie d’une image favorable qui peut profiter aux produits alimentaires. Ainsi, le jus d’orange Marrakech mise sur son origine, sur le soleil, l’exotisme : « le consommateur de jus attend, de manière rationnelle, un goût spécifique, et de manière émotive, un ‘’micro-voyage’’ au Maroc », explique Fodil Cherif, DG de Citruma.

Les produits de la mer ne sont pas en reste et étudient des pistes de valorisation, notamment à travers des produits plus élaborés. La Fenip vient d’achever une étude sur le sujet et certaines entreprises se lancent, à l’image de Copelit, qui commercialisera en 2010 du pâté et de la saucisse de sardine.

Des initiatives plus ou moins individuelles existent. A condition que le produit ait une spécificité, un « goût » marocain, il a tout pour réussir. La balle est désormais dans le camp de Maroc Export et des professionnels !

 

Source : FOOD magazine