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Une vedette en boîte, victime de son succès

(01/11/2009)

Le Maroc est le premier exportateur mondial de conserves de l’espèce Sardina Pilchardus, seule véritable sardine. Le pays en exporte vers une centaine de destinations. Les parts des opérateurs marocains sur les marchés internationaux sont estimées à plus de 60%. Cependant, plusieurs goulots empêchent le véritable essor de cette filière. Décryptage.

Abdelaziz MEFTAH
 

Avec l’imposante étendue de sa façade maritime, le Maroc s’est forgé une réputation de véritable plate-forme régionale de transformation des produits de la mer. Le pays s’est, en effet, doté d’une infrastructure de valorisation moderne et a mis en oeuvre une politique de développement de la filière pêche basée sur une approche de qualité totale, le plaçant aujourd’hui en tête des producteurs africains et parmi les premiers au monde dans plusieurs segments d’activité de cette industrie. « Nous avons les aptitudes techniques et le savoir-faire pour transformer et valoriser n’importe quel produit de la mer. Nos unités utilisent les outils de production les plus performants. Nous avons fait certifier ISO 9001 et 22.000 une partie des industries du sud et nous répondons aux dispositions normatives et réglementaires les plus exigeantes car nous exportons sur l’Europe, l’Asie et l’Amérique », a précisé d’ailleurs à cet effet M. Hassan Sentissi,

Président de la Fédération nationale des industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche lors d’une récente interview accordée à notre magazine.

L’industrie de valorisation compte actuellement 412 unités à terre et 391 navires congélateurs et emploie 61.600 personnes. Ce secteur regroupe le conditionnement du poisson frais, la congélation, la conserve, la semi-conserve, le traitement des algues marines, la fabrication de farine et huile de poisson, le conditionnement de coquillages, le décorticage de crevettes, le séchage, le fumage de poissons, la marinade, etc.

Orienté vers l’export par excellence, cette activité génère un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’Euros. Ce chiffre représente près de 50% des exportations agroalimentaires, 10% des exportations globales du Royaume et près de 2,5 % du PIB.

 
La sardine très prisée par les industriels

Concernant la filière de la conserve spécifiquement, le nombre d’unités de production avoisine les 32, dont deux cotées en bourses. Ces structures sont dotées d’une capacité de production annuelle de 300.000 tonnes et réalisent un chiffre d’affaires total de plus de 2 milliards de Dirhams à l’export.

Le pays transforme bien évidemment plusieurs espèces, mais c’est la sardine qui trône sur le haut du pavé. Ce petit poisson en conserve puise son succès grandissant dans le fait qu’il s’agit d’un produit qui s’améliore en vieillissant et qui renferme une quantité importante de phosphore et de vitamine B6 qui participe au métabolisme des protéines.

La sardine est également riche en acides gras Omega 3 qui diminuent les risques de maladies cardio-vasculaires. Ceci explique l’engouement des marchés pour ce produit.

Bien évidemment une telle position attise toutes les convoitises. Les attaques contre la sardine marocaine se suivent et se ressemblent. A chaque réunion du comité du Codex Alimentarius relatif aux poissons et aux produits de la pêche, les délégations chilienne et péruvienne reviennent à la charge. Elles réclament l’inclusion d’autres espèces (généralement plus petites que la sardine telles que le Clupea Benticki) dans la liste des espèces autorisées à l’appellation « conserve de sardine ». La dernière tentative en date a été orchestrée à Trondheim en Norvège. Elle a eu lieu lors de la 29ème session du Codex Alimentarius.

La sardine représente, en outre, la matière première la plus utilisée par les conserveurs marocains. Elle représente près de 75 % du produit global de la pêche côtière, soit 700.000 tonnes annuelles dont 250.000 sont destinées à l’industrie de la conserve, 400.000 à la fabrication d’huile et de farine de poisson et divers et 50.000 à la consommation de bouche. Notons au passage que la consommation de poisson frais au Maroc n’est que de 7,5 kg par an et par habitant. Ce qui est dérisoire.

Ceci dit, la pêche sardinière mobilise à elle seule environ 400 bateaux et emploie près de 12.000 marins pêcheurs. Ce secteur revêt donc une importance particulière, en raison du potentiel considérable qu’il recèle en matière d’investissement, d’emploi, d’exportation et de création de valeur ajoutée.

Malheureusement plusieurs dysfonctionnements handicapent son développement. En tête de liste figure le problème d’approvisionnement. Résultat : toutes les unités travaillent en dessous de leur capacité, certaines en dessous même de 30%.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, certains opérateurs font appel à l’importation de la sardine et de l’anchois pour honorer leurs engagements auprès de leur clientèle.

 
L’accès aux ressources

Les débarquements destinés à la branche de la conserve affichent un trend baissier dont la tendance s’accentue d’année en année. De 158.300 tonnes en 2005, les livraisons faites à cette branche sont passées à 137.500 en 2007 et à 122.700 tonnes l’année dernière. Sa part, qui représentait plus de 20% dans le volume global des prises de la pêche côtière et artisanale, est ainsi tombée à un peu plus de 15%.

En cause, l’état dans lequel se trouve la flotte marocaine qui tarde à enclencher sa mise à niveau. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, les industriels n’ont eu de cesse de réclamer à leur ministère de tutelle de leur permettre un accès direct aux ressources.

« Le jour où l’on comprendra que fatalement pour résoudre ce problème d’approvisionnement, il faudra donner la possibilité aux opérateurs d’aller vers plus d’intégration on aura franchi un très grand pas », martèle à ce propos M. Hassan Sentissi.

« Notre sardine pêchée avec les bateaux russes donne lieu à 40 produits différents. Si nous avions eu de la visibilité, nous aurions pu produire plus de farine et d’huile de poisson. Nous avons les possibilités de monter plusieurs usines pour la production de l’oméga 3, et développer des produits pour les filières pharmaceutique et cosmétique. Nous disposons d’un stock C qui ouvre toutes les possibilités, mais qui n’est pas malheureusement exploité à bon escient », ajoute ce dernier.

A ceci s’ajoutent les conditions lamentables dans lesquelles le poisson est pêché et emmagasiné.

Le potentiel existe donc bel et bien, aux pouvoirs publics et opérateurs privés de savoir en tirer profit. La concurrence, elle, n’attend pas.

 

Source : FOOD magazine