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La grande braderie mondiale des terres agricoles
(28/04/2011)
L’accaparement des terres agricoles par des gouvernements ou des investisseurs privés est devenu un investissement stratégique. Dans un monde déboussolé par la folie des marchés financiers inquiets pour leur sécurité alimentaire, la terre est devenue la valeur refuge. Selon l’Institute For Food Policy Research, basé à Washington, entre 15 et 20 millions d’hectares ont été achetés dans les pays pauvres depuis 2006. Soit l’équivalent des deux tiers du domaine agricole français. L’ONG Grain a sonné l’alarme avec un rapport au titre évocateur : « Main basse sur la terre ». Le rapporteur spécial des nations Unies pour le droit à l’alimentation, avait souhaité que la question de l’accaparement des terres soit inscrite à l’agenda du G8. Depuis, de nombreux contrats mirifiques ont été signés, à coté desquels la vente de la Louisiane par Bonaparte en 1803, fait presque figure de transaction d’amateur. Alors dans cette bourse planétaire où des pays se vendent à la découpe, c’est une vraie bataille pour la terre qui a commencé. Coté acheteurs, les plus gros opérateurs sont des états. Quatre d’entre eux (Chine, Corée du Sud, Arabie Saoudite, Emirats Arabes unis), disposeraient déjà de 8 millions d’hectares hors de leur territoire national. Ils ont pour point commun d’avoir peu de terres arables disponibles et une population qui croit rapidement, engendrant de sérieuses inquiétudes pour la sécurité alimentaire à venir. Ainsi, en délocalisant leurs productions, ils assurent leur approvisionnement et se prémunissent contre les risques du marché. Les adversaires d’un tel système en soulignent les dangers et les aberrations. Comme le fait de rapatrier vers les pays riches, des denrées agricoles produites dans des pays pauvres et qui reçoivent par ailleurs, une aide alimentaire massive de la communauté internationale. Ou encore de déloger des petits paysans locaux dont les cultures vivrières nourrissent une bonne partie de la population. « Si on veut éviter de grands malheurs, il faut mettre fin à ces pratiques » affirmait à l’époque un professeur d’agriculture comparée à Paris. En 2009, selon Jaques Diouf alors directeur général de la FAO, le monde était dans une situation potentielle de crise alimentaire, avec des stocks de céréales au plus bas depuis 30 ans. En fait, la terre tout comme l’eau, concentre les ingrédients de conflits très sérieux. La planète va passer de 6 à 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050 et si on reste inerte, cela peut déboucher sur un mélange explosif. « Je n’ai aucune hostilité de principe aux investissements privés dans l’agriculture mondiale, souligne le DG de la FAO. Mais pour ne pas instituer un nouveau pacte colonial, il faut respecter les conditions d’un échange égal. Les expériences sont récentes, et il est encore un peu tôt pour tirer un vrai bilan. Il faut surveiller les risques d’abus, mais il y a aussi des retombés positives » En réalité, le phénomène n’est pas nouveau. Déjà au début du siècle dernier la compagnie américaine United Fruit Company, possédait le quart des terres cultivables du Honduras. Ces transactions internationales sur les terres devraient encore s’amplifier et il est illusoire d’imaginer les empêcher.
Source : Agriculture du Maghreb