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Réflexion sur la question alimentaire

(12/07/2011)

Les causes à l’insécurité alimentaire grandissante sont fonction de différents paramètres : réchauffement climatique, baisse de niveau des nappes phréatiques, érosion des sols, croissance démographique (chaque matin il y a un peu plus de 200.000 nouveaux convives à la table de la famille mondiale). L’accès aux produits alimentaires est devenu la question la plus importante, à un moment où le monde passe de l’ère des excédents alimentaires à celle des pénuries. De nombreuses études ont été réalisées sur la consommation alimentaire parmi les populations les plus démunies dans le monde. Les résultats tendent à prouver un certain manque de rationalité de comportements dans un cadre purement alimentaire, avec des recherches de produits complémentaires, comme l’alcool et le tabac. Il s’agit toutefois de considérer que ces compléments font partie de certaines nécessités de plaisir et cela pour les riches comme pour les très pauvres de même que la télévision. Il suffit de voir le nombre de paraboles installées sur les toits des bidonvilles. Les conclusions semblent ainsi s’orienter sur le fait que beaucoup de pauvres n’ont pas suffisamment faim pour saisir n’importe quelle occasion de manger plus. Alors y a-t-il vraiment un milliard de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ? Car sur le sujet, les constats d’experts se contredisent. Les uns parlent du « cercle vicieux de la pauvreté » qui fait que les pauvres s’appauvrissent encore davantage parce que l’insuffisance de l’aide ne leur permet pas de s’en sortir et de régler les vrais problèmes. Les autres font valoir que l’aide fait plus de mal que de bien, n’encourageant pas les gens à rechercher leurs propres solutions. Quoi qu’il en soit, les réalités visiblement se rejoignent dans ce qui semble correspondre au piège de la pauvreté et qui impose un vrai constat : le combat contre la faim ne suffit pas. L’aide alimentaire ne suffit pas à lutter contre le cercle vicieux qui fait que malgré toutes les aides, les pauvres continuent de s’appauvrir … et les riches de s’enrichir. Eradiquer l’extrême pauvreté, bien que ce soit évidemment nécessaire, ne peut venir uniquement d’une lutte contre la faim. Car elle permet seulement de survivre, pas de s’engager dans un échange productif. Sans une amélioration sur le fond, le monde est condamné à favoriser une aide permanente, définitive et surtout en augmentation continuelle. De plus, et bien au-delà des cauchemars logistiques auxquels sont parfois confrontés les organisations pour acheminer la nourriture - en Inde, on estime que la moitié du blé et 1/3 du riz acheminés se perdent en route - la question se pose aussi de savoir si l’on ne se préoccupe pas davantage de la quantité que de la qualité et notamment en ce qui concerne le contenu nutritif d’une ration, qui devrait permettre, non seulement de rester en vie mais surtout de se développer. Il semble en fait que les organisations, y compris la FAO, s’en tiennent à des considérations purement techniques et dans un cadre clairement établi de l’aide alimentaire. Cela pourrait correspondre en fait à considérer la quantité nécessaire de carburant pour parcourir 100 km, plutôt que du temps pour les parcourir ou encore les différents chemins à emprunter. Force est de constater que cette dimension nourricière qui dépend essentiellement des actions de la FAO, n’est pas suffisante pour diminuer l’actuelle pauvreté dans le monde. On peut même s’étonner que le constat des failles (disons plutôt de l’insuffisance) de cette démarche d’aide alimentaire telle qu’elle est pratiquée depuis des décennies, n’ait pas entraîné sinon une modification ou au moins une grande réflexion sur une orientation différente ou complémentaire de cette aide. Car de toute évidence, pour faire progresser les résultats et modifier la situation des très pauvres, il est peut être temps de découvrir que la seule aide alimentaire ne suffira pas à enrayer la faim dans le monde. Seule une véritable aide aux populations concernées qui devrait consister en des encouragements sous différentes formes pourrait amener de véritables changements, mais c’est sans doute davantage le rôle des états que de la FAO. Et le Plan Maroc Vert au Maroc n’a pas d’autre choix avec les très petits agriculteurs (agrégation, aides, conseils) que de les sortir de la précarité et parvenir à la réussite du PMV. Mais il est évident que le Maroc n’est pas le Sahel, et qu’il y a des situations dans le monde qui imposent des aides alimentaires d’urgence et quasiment permanentes. En fait, et plus globalement, on ne peut se satisfaire de la seule considération de quantités alimentaires à fournir, sans avoir déterminé auprès des populations les moyens de les réguler. Sinon on est condamné à une aide sans fin et sans progrès. Il apparaît ainsi clairement, que pour une part des populations les plus démunies, cette régulation pourrait consister à leur apporter une aide qui leur permette une considération nouvelle de la situation et qui les oriente vers un début de prise en charge individuelle. A l’instar d’ailleurs du célèbre slogan du commerce équitable : « trade but not aid ». Et là encore au Maroc, l’un des meilleurs exemples à ce sujet est la mise en place du micro-crédit qui donne des résultats satisfaisant. Bien entendu, cela ne remet pas en cause la nécessité globale de l’aide alimentaire, sanitaire et médicale. A l’exemple du Kenya où des enfants qui ont été vermifugés, ont pu mieux profiter de leur alimentation et gagner plus rapidement en capacité scolaire. En Tanzanie, où les enfants mis au monde par des mères qui avaient consommé suffisamment d’iode durant leur grossesse, ont pu être plus rapidement scolarisés. Ainsi pour faire progresser les résultats de toutes ces démarches et modifier la situation des très pauvres, il s’agit de convenir que l’aide alimentaire seule, ne suffit pas pour enrayer la faim dans le monde et encore moins le sous développement. La nourriture ne s’arrête pas au simple fait de manger, elle est un symbole de quelque chose de plus grand : la liberté, la justice, la sécurité. Finalement c’est bien plus que de simple pain qu’il s’agit. Cet article est issu de la synthèse d’un document sur la question alimentaire paru dans la revue F.P édition francophone disponible au Maroc dans les librairies Médi édition.

Source : Agriculture du Maghreb