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Sommet Maroc/UE: Dialogue de sourds

(05/04/2010)

Chacun s’accorde à dire des deux cotés de la méditerranée que le Maroc et l’Union Européenne sont effectivement des partenaires privilégiés. Le statut avancé adopté en octobre 2008 confirme la réalité et l’importance d’une nouvelle ère de coopération, même si les relations Maroc-UE ne suivent pas exactement le cours d’un long fleuve tranquille.

Le premier sommet des 6 et 7 mars dernier à Grenade en Espagne a surtout été l’occasion pour la délégation européenne de rappeler à la partie marocaine et de façon certes très diplomatique, la lenteur des changements entrepris dans le pays. En fait, les résultats des travaux de ce premier sommet que Manuel Barroso, président de la commission européenne, a pourtant qualifié d’événement sans précèdent, ne semblent pas avoir été d’un apport
sensible pour le Maroc en ce qui concerne les questions de ses rapports avec l’Europe.
Les déclarations des responsables européens par rapport au dossier du Sahara, de l’accord agricole et du statut avancé n’ont rien apporté de nouveau.
Peu de choses se sont effectivement dégagées de cette conférence, mis à part les sollicitations des européens pour faire accélérer le processus de libéralisation des services et de facilitation des procédures d’installation. Formulant en contre partie la promesse d’un espace de libre échange, mais sans plus de précision sur les délais.
A noter également pour le prochain plan d’action, la mise en place de l’harmonisation des lois marocaines avec celles en vigueur dans le vieux continent : liberté d’expression, réforme de la justice, …les recommandation de l’Instance Equité et Réconciliation n’ont pas échappé à la vigilance des européens.

Dialogue de sourds ?
Tandis que les européens abordaient les questions sociales, les propositions marocaines portaient surtout sur l’attractivité économique et les avantages qu’offre le marché marocain. Attractivité confirmée d’ailleurs par Zapatero lui-même qualifiant le Maroc de plateforme d’excellence pour l’investissement.
Message reçu depuis longtemps par des opérateurs espagnols venus produire au Maroc (Fraise, tomates, haricots et différents produits maraîchers). Ce qui n’a pas empêché la protestation des milieux agricoles espagnols après la conclusion de l’accord de libre échange agricole de fin décembre 2009. Un accord dont le procès verbal est déjà bloqué par les espagnols jusqu’à la fin de leur période de présidence de l’Europe.
Etonnante fermeture d’un partenaire qui exporte vers le Maroc davantage de produits que vers les marchés de tous les pays du Mercosur confondus (Chili, Bolivie, Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay). Il faut également songer à la Belgique dont la présidence suivra celle de l’Espagne, et qui bloquera sûrement elle aussi l’accord sous les pressions des lobbies français. Il faudra donc attendre 2011 et la période hongroise pour espérer le ratifier, plus les trois années fixés comme délai d’application. Ce qui veut dire une entrée en vigueur en 2014. Quatre années de retard pour les agriculteurs marocains dont les produits ne représentent pourtant que 5% du total des importations agricoles européennes. Un retard qui ne freine pourtant pas la volonté de mettre en place un espace économique commun entre l’union
Européenne et le Maroc. Un espace économique commun caractérisé par une intégration poussée de l’économie marocaine à celle de l’UE, mais aussi de l’harmonisation des lois marocaines avec celles en vigueur dans le vieux continent : tendre vers une convergence réelle et institutionnelle avec l’union Européenne.
Pour Hassan Abouyoub, diplomate chevronné et récemment nommé par sa majesté ambassadeur du Maroc en Italie « le choix du Maroc est justifié par le fait que les règles du jeu de l’économie globale vont s’imposer à tout le monde. Donc autant anticiper et prendre un peu d’avance par rapport à la concurrence régionale, tout en essayant de profiter de ce défi pour lancer le Maroc sur le chantier des réformes de la troisième génération ». C’est d’autant plus vrai que les pays méditerranéens tels que l’Egypte et la Tunisie ont considérablement développé leurs exportations vers l’union Européenne.
A considérer également les normes sanitaires et phytosanitaires très strictes mises en place par l’UE ayant à priori pour objectif la protection du consommateur, mais qui sont perçues par beaucoup comme une barrière à l’entrée des produits en provenance des pays tiers. Et si l’UE devait rendre obligatoire l’affichage carbone, cela constituerait une barrière supplémentaire.
« Autre grand sujet bénéfique sur cette région du monde qui doit faire face à de nombreux défis, le débat autour de l’Union pour la Méditerranée (UPM), précise Hassan Abouyoub, qui ajoute, le sud n’est pas prêt dans l’immédiat à se conformer aux objectifs des valeurs universelles, démocratie, droit de l’homme,… C’est ce déficit de gouvernance de la région MENA, qui explique en partie l’enlisement des projets d’intégration régionale. L’absence d’un budget général de l’UE, traduction d’une politique économique commune, se fait lourdement sentir ». Dans sa chronique de la vie économique, Larabi JaÏdi propose de donner de la profondeur à la conjonction des intérêts stratégiques européens et marocains. « C’est en renforçant la modernisation de nos institutions et en garantissant une évolution irréversible vers l’Etat de droit que le statut avancé sera une ambition marocaine », conclut l’éditorialiste.

Source : Agriculture du Maghreb