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Allemagne mobilisation contre la spéculation alimentaire

(05/07/2012)

En une décennie, les prix des denrées alimentaires ont triplé. La Deutsche Bank est particulièrement montrée du doigt pour ses activités dans la spéculation sur les matières premières agricoles. «On ne joue pas avec la nourriture!» La pétition lancée par l’organisation allemande foodwatch, qui a fait de la transparence dans l’industrie agro-alimentaire son cheval de bataille, recueille tous les jours un peu plus de signatures, près de 170,000 personnes depuis octobre 2011. Destinataire de la pétition : la Deutsche Bank, première institution bancaire et financière du pays, qui se range parmi les 10 principaux établissements au monde actifs dans la spéculation sur les matières premières agricoles. L’appel de foodwatch est relayé par l’organisation Attac qui, elle, orchestre une campagne destinée à interpeller les détenteurs d’un compte en banque à la Deutsche Bank pour qu’ils changent d’établissement. L’action des organisations foodwatch et attac s’inscrit dans un contexte plus général qui voit les principales ONG allemandes, dont la branche allemande d’Oxfam, se mobiliser contre la spéculation sur les prix des matières premières agricoles. «Cette année, la Directive européenne MiFID fera l’objet de négociations. C’est l’occasion d’imposer sur la scène politique le thème de la spéculation alimentaire et de pousser au retrait des instruments financiers spéculatifs sur les matières premières agricoles. Nous attendons que Wolfgang Schäuble, le Ministre allemand des finances, s’engage sur la question», revendique Jutta Sendermann d’Attac. De fait, la réforme MiFID (Markets in Financial Instruments Directive) doit établir un nouveau cadre réglementaire sur les marchés d’instruments financiers avec deux grands objectifs : «protéger les investisseurs et préserver l’intégrité du marché, en fixant des exigences harmonisées pour l’activité des intermédiaires agréés; promouvoir l’équité, la transparence, l’efficacité et l’intégration des marchés financiers,» indique la Commission européenne dans un communiqué. Les ONG revendiquent, elles, l’interdiction des fonds spéculatifs et investisseurs institutionnels sur les bourses aux matières premières agricoles, ainsi que la création d’une instance de contrôle digne de ce nom, ayant capacité à pouvoir intervenir au nom du principe de précaution. Risque minime pour gain maximum Pour les ONG, la spéculation sur les matières premières agricoles est bien la première cause de la faim dans le monde. Elles repoussent les arguments du monde de la finance, pour qui l’envolée des prix des denrées alimentaires relèvent de facteurs extérieurs comme les conditions météorologiques, l’augmentation de la population dans le monde ou encore les changements dans les habitudes alimentaires dans les pays développés. De fait, contrairement aux actions ou aux emprunts, les investissements en matières premières ne servent pas à financer des structures de productions, ils n’ont aucune fonction économique. Les investisseurs utilisent leurs capitaux pour parier sur l’évolution des cours des matières premières en achetant de façon continue et sur une période prolongée sans rien vendre, entraînant par là une hausse artificielle des prix. Quel intérêt les investisseurs institutionnels ont-ils à occuper le marché des matières premières agricoles ? Sous couvert d’anonymat, un courtier de Francfort accepte de répondre : «Pour les investisseurs, ces instruments financiers leur permettent de diversifier leurs portefeuilles - et donc de se prémunir des crises sur les autres marchés - tout en prenant pied dans les pays émergents aux économies en forte croissance. Or, ces produits financiers ont l’immense avantage de leur éviter d’avoir à assumer les risques politiques et spécifiques inhérents à ces pays, des risques qui sont à assumer lorsque l’on investit en actions». Risque minime pour gain maximum donc, la formule fait mouche : selon un rapport publié par foodwatch, les investisseurs institutionnels avaient investi à la fin mars 2011 plus de 600 milliards de dollars dans des titres émis par des banques d’investissements pour parier sur les fluctuations de prix des matières premières agricoles. «Les niveaux de stocks des matières premières agricoles ont baissé et les conditions météorologiques ont fortement affecté l’offre provenant des principaux pays producteurs. Résultat : les cours des matières premières agricoles sont en hausse», poursuit notre courtier qui ne manque pas d’ajouter que «les événements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ayant propulsé les cours du pétrole vers le haut, les placements sur les matières premières permettent aux investisseurs de se protéger contre de nouvelles hausses des cours.» Interrogées, aucune des institutions bancaires et financières n’a donné suite aux demandes d’interviews

Source : Agriculture du Maghreb