Actualitéfleche titre

29/12/2012

(Des robots, des caméras et l’a)

On se croirait dans un film d’anticipation. Imaginez une sorte de grand bâtiment, renfermant notamment des serres modulables et des chambres climatisées en confinement à l’intérieur desquelles les parties aériennes et racinaires de milliers de plantes, dont certaines convoyées depuis les lieux de culture par des robots, sont filmées par des caméras dans différentes longueurs d’ondes ! Bienvenu à l’intérieur de la Plateforme de Phénotypage Haut Débit (PPHD) de Dijon. Unique en son genre, celle-ci permettra aux chercheurs de disposer d’un équipement «high-tech» pour produire, dans des conditions parfaitement contrôlées, et caractériser, à l’aide de moyens non-destructifs, du matériel végétal. Le développement d’une agriculture dite «durable», autrement dit qui respecte davantage l’environnement, exige un renouvellement des systèmes de cultures basé sur l’exploitation accrue de la variabilité génétique des plantes et celle des interactions entre organismes. «Il est donc nécessaire de caractériser les phénotypes de plantes cultivées, de focaliser sur les interactions plantes - microorganismes telluriques pathogènes/mutualistes et l’effet de l’environnement abiotique», explique Christophe Salon, Directeur de recherche à l’INRA et Directeur scientifique de la PPHD. Or cela implique de pouvoir réaliser l’exploration systématique intra ou inter spécifique de la diversité génétique naturelle ou induite des plantes et de leur adaptation à des conditions environnementales fluctuantes, contraintes, voire stressantes. D’où la nécessité de disposer de plateformes phénotypiques en conditions contrôlées associant un haut débit et une mesure précise et continue de l’environnement des plantes et de leur phénotype. Les plantes sous l’œil des caméras La PPHD est dotée d’un certain nombre de dispositifs innovants parmi lesquels deux systèmes de phénotypage, basés sur l’analyse d’images dans différentes longueurs d’ondes, qui représentent des outils phares. Ils permettent en effet de caractériser différentes unités biologiques à l’aide de moyens non-destructifs automatisés. «Ce phénotypage pourra être mené soit sur un très grand nombre de plantes sur lesquelles nous effectuerons un nombre limité de mesures, soit sur un nombre réduit de plantes, caractérisées plus fréquemment au quotidien», résume Christophe Salon. Ainsi le premier système de phénotypage, adapté aux unités de petite taille que sont les graines en boîte de pétri, les plantules ou encore les colonies de microorganismes, est équipé d’une caméra mobile capable de balayer la zone de mesure. Destiné davantage aux grosses unités telles les plantes en pots et les rhizotrons, le second de ces systèmes de phénotypage est doté de caméras fixes devant lesquelles les plantes seront amenées depuis les zones de cultures via des convoyeurs. Les caméras fonctionnent évidemment dans le visible, mais aussi le proche infrarouge, certaines d’entre elles utilisant même la fluorescence, ce qui permet de suivre le niveau, la fréquence ou le site d’expression in situ d’un gène d’intérêt. Autre dispositif particulièrement original, les fameux rhizotrons. Constitué de deux lames de verres entre lesquelles sont placés la terre et le système racinaire de la plante cultivée, ce type de dispositif permet en particulier de visualiser l’interaction entre la plante et les microorganismes telluriques, résultant par exemple dans la formation de nodosités chez les légumineuses. «Ce travail est d’autant plus important que le système racinaire, auquel les chercheurs s’intéressent pourtant depuis longtemps, a été délaissé de part sa difficulté d’accès», rappelle Christophe Salon. Plus d’un millier de rhizotrons vont être ainsi progressivement mis en place au sein de la PPHD qui, dans quelques mois, pourra alors se targuer d’être la seule au monde à disposer d’un système d’une telle ampleur. Innovation Des rhizotrons particulièrement innovants permettront de cultiver des plantes en conditions stériles, ce qui est une première. Il sera ainsi possible de sélectionner un type de plante et un microbe ou une collection de microorganismes et les combiner dans ce type de rhizotron pour observer comment ils se comportent. Autant d’innovations qui permettront, à terme, de déboucher sur la création et la sélection de nouvelles variétés de plantes. A l’aide d’une telle plateforme, les chercheurs vont pouvoir en effet combiner plus rapidement les vitesses de phénotypage et de génotypage et progresser plus vite dans la compréhension du génome des plantes. «Notre objectif est de trouver les génotypes qui correspondent le mieux à nos besoins et sont les plus aptes à s’adapter aux conditions environnementales dans lesquelles nous souhaitons les développer», indique Christophe Salon qui ne cache pas que les industriels qui pratiquent la sélection variétale, en particulier les semenciers, sont très intéressés par les travaux qui seront développés au sein de cette plateforme.

Source : Agriculture du Maghreb