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Commercialisation des produits biologiques

(30/11/2012)

Quelles contraintes ?
La production biologique au Maroc est passée au fil des années d’un simple mouvement de société à un mode de production qui vise d’une part la préservation de l’environnement et de la santé, et d’autre part l’amélioration de l’économie marocaine.

Par Hafsa Ramli, Gérante de Aquabio Consulting


Conscients de l’importance écologique, commerciale et socio-économique de l’agriculture biologique, plusieurs pays développés ont mis en place des programmes de promotion et de développement dédiés via des subventions et des formations. Cependant, cet intérêt n’a pas encore touché d’autres pays en voie de développement, notamment l’Afrique, l’Asie…
Les agriculteurs marocains étaient les premiers en Afrique du Nord à lancer la production biologique. Le programme de production a connu une grande progression sur les plans techniques et commerciaux et, avec le développement fulgurant de ce secteur, les opérateurs s’interrogent sur la situation actuelle du Maroc et les potentialités du pays dans ce domaine. Première question à poser, surtout pour les producteurs qui veulent se convertir au bio : les cultures biologiques sont-elles rentables ? Plusieurs études ont été réalisées en Europe et ailleurs sur ce concept, mais pas au Maroc. Selon la majorité des analystes, les cultures biologiques sont relativement rentables, en fonction de la spéculation, des rendements et des circuits de commercialisation empruntés. A indiquer que les rendements sont d’une manière générale faibles pendant la phase de conversion mais, au fur et à mesure que l’environnement agrobiologique de la parcelle se stabilise, ils doivent théoriquement s’améliorer, même s’ils n’atteignent jamais ceux des cultures conventionnelles et la hausse des prix qui va compenser cette baisse (source : Transfert de technologie en agriculture N°81 Juillet 2001).

Circuits de commercialisation : deux marchés

Le marché local, d’une part, qui souffre d’une négligence due à plusieurs facteurs tels que : augmentation des prix, manque de sensibilisation et absence de labellisation… Cependant,
le consommateur marocain est intéressé par le produit biologique et ses bienfaits sur la santé. De plus, la consommation de produits bio n’est pas totalement étrangère aux habitudes
des Marocains qui ont toujours ce réflexe de se tourner vers le « Beldi ». Par conséquent, avec une bonne stratégie marketing, les produits biologiques peuvent être vendus aux Marocains à travers des magasins bio, comme par exemple ceux de Casablanca dont le consommateur
cible est la classe moyenne et supérieure et les personnes suivant un régime alimentaire spécifique. A titre comparatif, les prix des produits biologiques sont généralement de 15 à 30% plus chers que les produits conventionnels. Citons également les grandes surfaces au Maroc qui ont réservé des rayons « Bio », et enfin les fermes qui proposent le panier biologique de la semaine, vendu directement aux consommateurs qui désirent savourer les légumes biologiques de saison.
Le marché mondial du bio, quant à lui, est d’une grande importance, comme l’indiquent les études de l’IFOAM (Fédération Internationale de l’Agriculture Biologique) : la progression
de ce marché est de 10 à 20% par an et ces produits sont vendus 20 à 30% plus chers que les produits conventionnels. Un marché juteux qui attire les appétits des firmes multinationales comme McDonald’s, Danone et bien d’autres.


Des objectifs fixés
Au Maroc, un contrat-programme d’un montant de 1,121 milliard de DH l’Association Marocaine de la Filière des Productions Biologiques (AMABIO), en marge de la 4ème édition des Assises de l’Agriculture, tenue le 26 avril 2010 à Meknès. Jusqu’en 2020, ce contrat engage les signataires à améliorer la productivité de la filière biologique et sa compétitivité
sur les marchés national et international. Pour cela, le contrat-programme mise sur le « développement de la composante recherche/développement et le transfert de technologie,
sur l’amélioration des conditions cadres de la filière et sur l’amélioration des technologies de valorisation et des conditions de commercialisation et de promotion des produits ». En associant tous ces ingrédients (hausse de la demande, volonté du gouvernement et présence de l’association professionnelle), les résultats pourraient surpasser les objectifs du contrat-programme. Dans ces conditions, les investisseurs (Pilier I) et les petits agriculteurs (Pilier II) doivent saisir l’opportunité pour s’incorporer dans ce projet qui va contribuer au développement de l’agriculture biologique et à la réussite des objectifs du PMV.

Le bio au Maroc : quelques chiffres
C’est dans les années 90 que la filière de l’agriculture biologique a connu ses débuts au Maroc via des espèces fruitières, avec les olives et les agrumes comme principales cultures. Cette méthode de production agricole s’est ensuite élargie aux espèces maraichères, aux plantes aromatiques et médicinales (PAM), au caroubier... Aujourd’hui, la superficie
certifiée « bio » avoisine 5.000 hectares, « en plus de 10.000 hectares d’olivier qui sont en cours de conversion », ajoute Allal Chibane, de l’Association Marocaine de la Filière des Productions Biologiques (Amabio). En effet, d’année en année, les quantités exportées de produits agricoles certifiées « bio » poursuivent leur ascension : l’huile d’argan à titre d’exemple, est passée de 67 tonnes en 2007-2008 à 185 tonnes en 2010-2011, pour atteindre près de 400 tonnes en 2011-2012. « Nous avons choisi de développer des produits à base d’argan bio pour deux raisons : valoriser les produits de terroir des zones semi arides et oeuvrer à la protection de l’environnement », justifie Nordine Mhenni, Gérant de la société Arganart De Vie. Estimée à près de 40.000 tonnes, la production biologique nationale est exportée à hauteur de 30%. « Nous exportons majoritairement les huiles d’olive et d’argan, le jus d’orange, les câpres, les fraises surgelés et les haricots verts », souligne M. Chibane. Par ailleurs, les quantités restantes sont écoulées sur le marché marocain en tant que produits conventionnels. Souffrant jusqu’à ce jour d’un vide réglementaire, la filière de l’agriculture biologique au Maroc s’est dotée d’un projet de loi qui est en cours d’approbation par le parlement. « Nous pensons que la loi entrera en vigueur au 1er trimestre de l’année 2013. Elle nous permettra à terme d’apposer un logo marocain sur le produit certifié et de le commercialiser sur le marché intérieur en tant que tel », affirme M. Chibane. Dans le cadre du PMV, la stratégie de développement de la filière biologique vise la multiplication de la production par dix, soit 400.000 tonnes à l’horizon 2020. Elle prévoit l’exportation de 60.000 tonnes de produits seulement tandis que la part du lion, soit 340.000 tonnes seront destinées au marché intérieur. « Pour cela, l’Amabio prévoit de mener une campagne de sensibilisation et nous sommes très optimistes en raison de la forte demande existante », conclut M.Chibane.

Source : FOOD magazine