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Le Gharb: sous l'eau

(28/04/2010)

Le bassin versant du Sebou est l’un des plus riches en eau et constitue l’une des régions les mieux loties en terres irriguées et en industries. Des atouts qui se transforment rapidementen cauchemar dès que les récipitations dépassent la normale. Les dernières crues ont mis, encore une fois, en évidence le déficit d’ouvrages de protection de la plaine.

Pour la 2e année consécutive, la région du Gharb subit de plein fouet les effets des intempéries et plus de 135.000 ha de cultures se sont ainsi retrouvées sous l’eau. La plaine du Gharb se présente sous forme d’une cuvette dépourvue de canaux naturels d’évacuation des eaux vers la mer (Voir article drainage page 62). Avec la nature argileuse des sols dans la région, une pluviométrie forte et concentrée sur une courte période provoque le débordement rapide du fleuve Sebou et de ses affluents Ouergha et Beht qui ont été cette année à l’origine
des crues. Les premières inondations ont été observées fin décembre, suivies de plusieurs crues de grande intensité qui ont conduit à la submersion des terres. Les populations locales se sont ainsi retrouvées enclavées, et beaucoup de familles sont encore hébergées dans
des abris de fortune. En plus de l’endommagement des routes et des pistes, les inondations ont conduit à la dégradation des réseaux d’assainissement, la chute des canaux d’irrigation portés et la détérioration des stations de pompage.
Un spectacle désolant
Même si de l’avis des responsables, l’évaluation réelle des pertes ne pourra se faire qu’après le retrait des eaux, des estimations des pertes peuvent être avancées. Les céréales sont les plus affectées (78.100 ha), suivies des cultures fourragères, sucrières, maraîchères et
agrumicoles. Des pertes qui ont entraîné un manque considérable de produits frais car la région est une grande pourvoyeuse en produits agricoles et un renchérissement sans précédent des prix sur le marché local. Concernant la production animale, en plus des bêtes qui ont été emportées par les crues, les dégâts concernent surtout l’alimentation du bétail, les perturbations des circuits de collecte du lait et de l’insémination artificielle. Cette situation qui dure encore pour certaines exploitations, induit également un retard des traitements des
maladies, une dégradation du matériel agricole (machines, goutte à goutte) sans oublier la mort d’une grande partie des arbres. En effet,
avec le prolongement de la stagnation de l’eau, les racines pourrissent et provoquent le dépérissement des arbres. Et même en replantant
de nouveaux arbres, il va falloir attendre 5 ans avant qu’ils n’atteignent la plaine production.
A noter qu’une enveloppe de 236 millions de dirhams a été débloquée pour financer un plan de reconversion de 87.000 ha en cultures de printemps moyennant la subvention des intrants (semences maïs, tournesol, riz). Rappelons que l’année dernière, les agrumiculteurs
n’avaient bénéficié d’aucun soutien du gouvernement après les inondations.
L’Association des producteurs d’agrumes du Maroc (ASPAM) a annoncé la perte immédiate de 40.000 tonnes au niveau de la région du Gharb qui déplore 2.000 ha complètement inondés. En tout cas, ce qui est sûre, c’est que à moyen et long terme, les conséquences d’une
telle catastrophe seront lourdes sur tous les plans.
Des solutions ?
De l’avis d’un producteur, la région du Gharb a subi non seulement les caprices de la nature mais aussi les retombées de la négligence humaine, faute de travaux d’assainissement et d’entretien des canaux d’évacuation. Rappelons que la région a connu la réalisation de 4
grands barrages qui ont permis de mobiliser près de 5 milliards de m3, soit 30% du potentiel national. Cependant, la menace des crues est omniprésente, ce qui handicape les investissements. Une situation principalement due à la spécificité géomorphologique de la plaine:
- niveau assez bas de la plaine par rapport à la mer
- absence de canaux naturels d’évacuation des eaux
- présence de nombreux oueds non régularisés
Une situation aggravée par l’accumulation du retard pris dans la réalisation d’ouvrages de protection. Notamment, la non-réalisation
de retenues sur certains oueds et la réduction du programme d’entretien du réseau d’évacuation des eaux. Cependant, les sécheresses
cycliques ont fini par faire oublier la menace des crues et ces travaux n’ont pu bénéficier des financements adéquats.
Un programme triennal a été lancé en 2009, qui avait pour objectif le curage et la réhabilitation du réseau long de 3.400 km. Pour l’année 2009, il était prévu d’assainir un peu plus de 1.000 km de canalisations ciblant 3 grandes zones critiques. Mais ce programme n’a été réalisé
qu’à hauteur de 40% pour la réhabilitation et 45% pour le curage des canaux. Le plan de protection de la plaine prévoit donc l’achèvement de ces travaux et le lancement de la 2e tranche du programme qui concerne 2.600 km de canalisations entre 2010 et 2011.

Source : Agriculture du Maghreb