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Quinoa : des Andes… au Maroc !

(15/03/2013)

Cultivée depuis des millénaires en Amérique du Sud, le quinoa a été introduit au Maroc depuis une dizaine d’années. Résistante à la sécheresse, au gel, à la salinité et offrant un grand intérêt nutritionnel et commercial, ce « super aliment » rustique a tout pour plaire et pourrait bien trouver sa place dans les champs marocains ! La FAO vient d’ailleurs de décréter 2013 comme année internationale du quinoa. Le point avec les scientifiques qui travaillent sur le projet.

Florence CLAIR

 

Souvent assimilé à une céréale du fait que ses graines se cuisinent comme le blé ou le riz, le quinoa est en réalité une plante annuelle (Chenopodium quinoa Willd) de la famille des Amaranthacées, comme la betterave ou encore les épinards. De haute valeur nutritionnelle – seul végétal contenant tous les acides aminés essentiels, son utilisation remonte aux Incas. Aujourd’hui, il représente toujours un aliment de base pour la population andine en Amérique du Sud et a conquis le monde, notamment via les circuits de distribution de produits bio ou issus du commerce équitable. « Son intérêt nutritionnel repose sur la présence de protéines (tous les acides aminés essentiels), de minéraux, de vitamines, d’acide linoléique (omega-3), d’amylases, et sur l’absence de gluten », explique Kaoutar Filali, étudiante en PhD à l’Unité de génétique, biotechnologie et amélioration des plantes de l’Institut Agronomique et Vétérinaire (IAV) Hassan II de Rabat. Plus en détail, « alors que le blé ne contient que 8% maximum de protéines, le quinoa en contient 12 à 20%, ainsi qu’un taux élevé de vitamines A, B2, E et de minéraux Ca, Mg, Fe, Zn », ajoute Redouane Choukr-Allah, enseignant-chercheur et Directeur du Laboratoire de salinité et nutrition des plantes au Complexe Horticole d’Agadir de l’IAV Hassan II.

 

Essais de culture au Maroc

Face à de tels atouts, des essais sont menés pour cultiver le quinoa hors de ses terres d’origine. Introduit pour la première fois au Maroc en 2000 à travers une collaboration entre l’IAV Hassan II de Rabat et l’Université américaine Brigham Young, le quinoa fait actuellement l’objet de plusieurs essais de culture grâce au programme SWUP-MED de l’Union Européenne (Sustainable Water Use securing food Production in dry areas of the Mediterranean region), dont l’objectif est de diversifier l’agriculture méditerranéenne pour faire face au changement climatique, notamment via l’introduction de nouvelles espèces cultivées. Coordonné par le chercheur danois Sven-Erik Jacobsen - grand spécialiste du quinoa - de l’Université de Copenhague, le SWUP-MED s’appuie sur un réseau de partenaires locaux en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni, en Syrie, en Egypte, en Turquie, en Australie et au Maroc, avec l’IAV Hassan II. « Au Maroc, les essais sont menés dans différentes localités : Rabat, Bouchane (Marrakech) et Agadir, ainsi que dans la station expérimentale de l’IAV Hassan II », précise Redouane Choukr-Allah.

Parmi les plantes capables de résister au changement climatique, le quinoa est un choix évident. « Son ample diversité génétique lui permet de s’adapter à divers types de sol, notamment les sols salins, et à des milieux couvrant de larges gradients d’humidité (de 40 à 90%), d’altitude (de 0 à 4.500 m) et de température (de - 8°C à 38°C). Cette adaptabilité constitue un atout dans le contexte de dérèglement climatique et de salinisation des terres agricoles », souligne Kaoutar Filali.

Les objectifs poursuivis par les chercheurs marocains participant au programme SWUP-MED, sont notamment l’utilisation de ressources en eau non conventionnelles (eaux usées traitées, eaux salines) et l’adaptation de nouvelles cultures comme le quinoa ou l’amarante (cf. encadré) dans le système de production vivrière marocain et dans les régions arides ou affectées par la salinité. « Le quinoa peut également constituer un bon précédent cultural pour rompre le cycle de pathogènes des céréales », renchérit Mlle Filali.

 

Des résultats prometteurs

Selon Redouane Choukr-Allah, les résultats déjà obtenus montrent une très bonne adaptation du quinoa aux conditions marocaines, que ce soit au niveau du climat ou du sol. « De meilleurs rendements ont été obtenus surtout en irrigué (5-6 T/ha). De plus, le quinoa montre une très bonne résistance à la sécheresse et à la salinité : il n’y a eu aucune réduction de rendement sous une irrigation avec une eau saline de 10 dS/m [deciSiemens par mètre, mesure de la conductivité électrique, NDLR] et une diminution de 30% si la plante est irriguée par de l’eau de mer (30 dS/m) », révèle-t-il, rappelant que le blé, quant à lui, ne peut pas résister à une salinité au-delà de 4 à 5 ds/m, tandis que l’orge peut résister jusqu’à 8 dS/m.

Preuve de la faisabilité et de l’intérêt économique de la culture du quinoa au Maroc : certains agriculteurs, surtout à Bouchane, ont commencé à le cultiver et à le commercialiser. « Le kilogramme de grains de quinoa est commercialisé au Maroc avec un prix de 60-80 DH et à l’export le prix s’élève à plus de 12 €/kg », annonce Redouane Choukr-Allah. Outre sa grande valeur ajoutée à l’exportation, cette plante peut trouver sa place sur le marché national, à condition de développer sa production et de faire sa place dans les habitudes de consommation, grâce à son intérêt nutritionnel mais aussi à l’absence de gluten, un avantage indéniable vu le nombre de personnes souffrant de la maladie cœliaque. Enfin, avec son léger goût de noisette et sa texture originale, le quinoa se prête aussi bien aux préparations salées que sucrées, remplaçant les accompagnements tels que le riz ou la semoule. On peut ainsi tout à fait imaginer un couscous au quinoa ! De plus, « ses feuilles peuvent être consommées comme salades, surtout dans les stades jeunes », indique M. Choukr-Allah.

 

 

Source : FOOD magazine