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Ruée sur les terres en Afrique: Menace pour la souveraineté alimentaire
(04/01/2010)
Au lendemain de la crise alimentaire mondiale de 2008, les dirigeants africains ont renoué avec les grands discours sur la nécessité de l’autosuffisance alimentaire, où le riz figure souvent au premier plan. Si tout le monde convient de la nécessité d’augmenter la production, les solutions préconisées se résument souvent aux vieilles recettes qui consistent à procurer aux agriculteurs plus d’engrais et de semences à «haut rendement».
Les connaissances traditionnelles et les semences des agriculteurs africains, qui assurent l’alimentation et les moyens d’existence de la majorité des populations du continent, sont complètement ignorées.
La ruée sur les terres agricoles africaines est tout aussi problématique et n’est pas sans rapport avec ces semences imposées d’en haut. Pendant que les gouvernements africains proclament leur volonté d’assurer l’autosuffisance alimentaire, ils signent en catimini un nombre inquiétant d’accords avec des investisseurs étrangers qui accordent à ces derniers un contrôle sur les terres agricoles les plus importantes des pays, notamment sur les rizières.
Le Mali, comme plusieurs autres pays d’Afrique occidentale, est devenu un important importateur de riz alors qu’il était récemment un exportateur net. Le gouvernement s’est maintenant engagé dans une initiative nationale sur le riz de plusieurs millions de dollars, censée restaurer l’autosuffisance alimentaire en aidant les agriculteurs du pays à produire plus. Alors pourquoi le gouvernement a-t-il laissé une immense étendue de bonnes
terres de rizières à un fonds d’investissement libyen et à des entreprises chinoises ?
La Libye, un pays qui regorge de pétrodollars mais ne dispose pas de sa propre production alimentaire a signé un accord avec le Mali qui accorde à Tripoli un contrôle sur ces 100 000 ha de rizières, dans le cadre d’un projet d’investissement plus large dans les infrastructures de la zone. Le projet va commencer par la production de riz, à laquelle viendront ultérieurement s’ajouter la production de tomates et l’élevage.
Quelle que soit la destination finale du riz, sa production ne va pas beaucoup aider les agriculteurs locaux. En fait, au Mali, le projet va se traduire par l’expulsion de certains agriculteurs locaux de leurs terres et il va entrer directement en concurrence avec d’autres pour l’approvisionnement en eau à partir du fleuve Niger, la plus importante ressource pour l’irrigation de la région Sahel-Sahara.
Certains s’inquiètent par ailleurs de la façon dont ces projets sont en train de détruire l’importante diversité en riz locaux de la zone, en favorisant un petit nombre de variétés modernes. Le riz hybride peut permettre des rendements élevés, mais seulement quand une mécanisation sophistiquée et des niveaux importants d’intrants chimiques sont utilisés. Par ailleurs, les semences de riz hybride ne peuvent être conservées par les agriculteurs.
Ils doivent les racheter chaque année, ce qui les rend inabordables et inutilisables dans la pratique par les petits agriculteurs.
Source : Agriculture du Maghreb