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Les nouveaux propriétaires fonciers : La course aux terres agricoles à l’étranger
(01/03/2010)
Il n’est sans doute pas évident pour tout le monde que les principaux responsables de l’actuel accaparement des terres ne sont pas les pays ou les gouvernements, mais les grandes entreprises. L’attention s’est vraiment focalisée sur le rôle d’États comme l’Arabie saoudite, la Chine ou la Corée du Sud, alors qu’en réalité, même si les gouvernements facilitent les accords, ce sont des entreprises privées qui prennent le contrôle de la terre. Et leurs intérêts ne sont tout simplement pas les mêmes que ceux des gouvernements.
Prenons un exemple. En août 2009, le gouvernement de l’île Maurice a obtenu un bail à long terme pour 20 000 ha de terre agricole fertile au Mozambique pour y produire du riz pour le marché mauricien. Il s’agit bien d’une externalisation de la production alimentaire, cela ne fait aucun doute.
Mais ce n’est pas le gouvernement mauricien qui va, au nom du peuple mauricien, cultiver cette terre et rapatrier le riz dans l’île. Le ministère mauricien de l’Agro-industrie a en effet immédiatement sous-loué la terre à deux grandes entreprises : L’une, de Singapour, tient beaucoup à développer des marchés pour ses semences propriétaires de riz hybride en Afrique ; l’autre, du Swaziland, est spécialisée dans la production de bétail, mais aussi engagée dans la production d’agrocarburants dans le Sud de l’Afrique. Bref, une situation tout à fait courante. En d’autres termes, nous devons faire attention de ne pas nous laisser aveugler par le rôle des États, parce qu’en fin de compte, ce sont les intentions des grandes entreprises qui vont se révéler cruciales. Et celles-ci ont à leur disposition toute une réserve d’outils légaux, financiers et politiques.
Qui plus est, on a tendance à présumer que l’engagement du secteur privé dans l’accaparement mondial des terres est le fait d’entreprises agro-industrielles traditionnelles ou de sociétés de plantation, et que le but serait tout simplement de poursuivre l’expansion du modèle d’agriculture contractuelle des dernières années. En réalité, on se rend compte que la
haute finance, malgré l’indigence de son expérience en agriculture, est devenue un acteur essentiel de cette évolution. Tant et si bien que la phrase « investir dans l’agriculture », nouveau leitmotiv des bureaucrates du développement, n’est pas systématiquement à prendre comme un synonyme de fonds publics. De plus en plus, l’investissement en agriculture devient l’affaire du monde de l’argent. Il ressort des recherches que le rôle du capital
financier – fonds et sociétés d’investissement – est considérable.
Les investisseurs privés ne se tournent pas vers l’agriculture pour résoudre le problème de la faim dans le monde ou éliminer la pauvreté rurale. Ce qu’ils veulent, c’est, tout simplement, faire des bénéfices. Le monde a en effet changé de telle façon qu’on peut maintenant faire une fortune avec des terres agricoles. Les investisseurs savent avec certitude que les besoins alimentaires mondiaux vont continuer à croître, maintenant des prix élevés et fournissant un substantiel retour sur investissement à tous ceux qui ont la mainmise sur les ressources de base nécessaires. Et ces ressources de base, en particulier la terre et l’eau, sont plus que jamais soumises à la surexploitation.
Faisant suite à la crise financière, les prétendus investissements alternatifs, comme les infrastructures ou les terres agricoles, font fureur. La terre elle-même est présentée comme offrant une sorte de protection contre l’inflation. Et comme sa valeur ne suit pas les variations des autres actifs comme l’or ou les devises, c’est un moyen pour les investisseurs de diversifier leur portefeuille.
Source : Agriculture du Maghreb