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Des tomates qui plaisent aux consommateurs
(06/12/2011)
Pendant de nombreuses années les programmes de sélection de tomates ont davantage tenu compte du rendement, des résistances aux maladies, de l’adaptation à la culture sous serre ou des qualités commerciales (apparence, homogénéité, durée de vie, fermeté) que du goût et de l’arôme des fruits. Il n’est par conséquent pas surprenant de voir certains consommateurs se plaindre du manque de goût des tomates du marché. Afin de répondre aux attentes des consommateurs, le projet EUSOL regroupe une cinquantaine de partenaires, dont une vingtaine de sélectionneurs de tomate. Une meilleure connaissance des préférences des consommateurs à l’échelle européenne permettra aux sélectionneurs de mieux tenir compte de ce critère dans leur schéma de sélection et d’identifier les critères les plus pertinents à sélectionner. Dans le cadre du projet européen EU-SOL, les chercheurs ont réalisé des tests auprès de plus de 800 consommateurs de trois pays - les Pays-Bas, la France et l’Italie -, sur toute une série de variétés de tomates représentant les différents segments du marché. Dans chaque pays, des jurys d’experts ont établi les profils sensoriels de ces différentes variétés. Des cartes de préférences ont ensuite été établies dans chacun des pays révélant ainsi les caractéristiques qui devraient être améliorées pour satisfaire les consommateurs. L’analyse globale a montré que les préférences des consommateurs étaient assez identiques d’un pays à l’autre, plusieurs groupes de consommateurs pouvant être identifiés dans chaque pays et que la segmentation se faisait d’abord sur le goût puis sur la texture. L’analyse détaillée a également montré que l’apparence était un critère très important pour les consommateurs et qu’il fallait donc en tenir compte. D’autres chercheurs du projet étudient comment il serait possible de renforcer la flaveur de la tomate puisque c’est une des qualités recherchées par les consommateurs. A noter que la flaveur de la tomate est fortement liée à sa teneur en sucre. On trouve des variétés de tomate sauvages riches en sucres ou en acides, mais ces caractéristiques sont toujours associées à une petite taille du fruit. Il n’est donc pas facile d’améliorer la teneur en sucres sans nuire à la taille du fruit. Les chercheurs ont entrepris de mieux comprendre cette corrélation négative en travaillant sur une population de tomates issue du croisement de deux lignées, Solanum lycopersicum (la tomate cultivée) et Solanum chmielewskii (une espèce sauvage non consommée), sur le plan génétique, génomique, métabolomique et physiologique. Ils ont montré que la relation entre sucres et taille des fruits variait suivant les lignées et pouvait dépendre du nombre de cellules dans le fruit, mais aussi des flux d’eau et de la compétition entre fruits. Des approches intégrant génétique, génomique et physiologie sont également mises en œuvre pour disséquer la fermeté des fruits ou leur composition en métabolites secondaires (aromes, caroténoïdes et vitamines). Mieux cerner les attentes Afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs, mais aussi de segmenter l’offre par des produits plus qualitatifs, le projet ANR Qualitomfil a été lancé en France en 2006. Objectif : mieux cerner les mécanismes déterminant la qualité gustative et nutritionnelle de la tomate, et ce tout au long de la filière. En effet, la qualité gustative de la tomate dépend de chaque étape de la filière : choix variétal, conditions de production et conditions de maintien de la qualité après récolte. C’est d’ailleurs pour cette raison que la recherche s’est organisée dans un cadre multi-partenaires associant des sélectionneurs, des producteurs et des distributeurs. Le projet a révélé des résultats intéressants : depuis l’analyse des attentes des consommateurs par enquêtes et tests sensoriels, par la gestion des bases biologiques de la qualité par repérage de protéines ou de gènes impliqués, et l’exploration de nouvelles conditions de culture à forte salinité (solutions nutritives à conductivité élevée) pour optimiser la qualité des fruits. Ces approches génétiques et agronomiques ont été couplées à des recherches pour maintenir la qualité du produit après récolte auprès des distributeurs. En effet, les conditions de stockage le long du circuit de distribution sont souvent préjudiciables à la préservation des arômes et de la texture du produit, qualité à laquelle les consommateurs sont attachés. Dans cet objectif, un travail sur différents génotypes a été mené, révélant des variations dans l’intensité de l’impact positif des basses températures sur la préservation de la texture et négatif sur les arômes. Enfin, l’analyse économique de l’évolution des prix des différents segments de la tomate a révélé le rôle de la segmentation sur sa consommation. Ces résultats prometteurs permettent d’envisager une segmentation plus fine du marché de la tomate sous son aspect gustatif, dans un souci de répondre conjointement aux producteurs désireux de valoriser économiquement l’originalité de leurs produits et à une demande sociale de produits de qualité. Production de tomates Développement de méthodes de protection biologique Des chercheurs ont démontré qu’il était possible de combiner plusieurs méthodes de protection biologique applicables à la production de tomate sous serre : le champignon Microdochium dimerum contre Botrytis cinerea, le champignon Lecanicillium lecanii contre les aleurodes et un extrait de plante, la renouée de Sakhaline, contre l’oïdium. Le gouvernement français ayant pris la décision de réduire de moitié les quantités de pesticides utilisées en France à l’horizon 2030, les professionnels sont à la recherche de méthodes alternatives efficaces. Dans ce sens, les méthodes de protection biologique mettent en jeu des organismes vivants (micro-organismes, insectes ou autres invertébrés auxiliaires) ou des substances d’origine naturelle (extraits de plantes par exemple) dont l’action sur les bioagresseurs est en général spécifique et souvent complexe. Il est donc nécessaire de vérifier que les différentes stratégies de lutte applicables à une culture donnée sont compatibles entre elles. Des travaux antérieurs entrepris depuis 1990 avaient montré que le champignon Microdochium dimerum avait une bonne efficacité pour protéger les plaies d’effeuillage de plants de tomates contre les attaques de Botrytis cirenea sous serre. Les chercheurs ont étudié la compatibilité de cette méthode de lutte avec deux autres méthodes biologiques déjà disponibles sur le marché : le champignon Lecanicillium lecanii actif contre les aleurodes (homologué et commercialisé en France sous le nom de Mycotal), et un extrait de renouée de Sakhaline efficace contre l’oïdium (produit qui ne bénéficie pas encore d’une autorisation de mise sur le marché français et commercialisé dans d’autres pays européens sous le nom de Milsana). Les essais ont été réalisés en enceintes climatisées sur des plantes de tomate produites en pot et utilisées au stade 8 feuilles étalées. Ce travail a démontré que les trois produits de protection biologique sont compatibles entre eux et pourraient être appliqués ensemble ou de façon alternée sur une culture de tomate. Ces résultats sont prometteurs et permettent d’envisager un contrôle efficace en agriculture biologique voir même en protection intégrée, de la tomate sous serre, en complément d’autres méthodes de lutte. En France, l’INRA a concédé à la société Agrauxine une licence d’exploitation de la souche de Microdochium dimerum pour qu’elle développe et mette sur le marché un produit efficace, l’AntiBot, accessible au plus grand nombre de producteurs. Source : INRA France Rouge ou jaune, la tomate cuite n’a pas les mêmes atouts Pour la première fois, une comparaison de la teneur en micronutriments a été effectuée entre des variétés de tomate rouge et jaune. Cette étude inédite réalisée par les chercheurs de l’INRA France, révèle que sur le plan nutritionnel, les variétés de tomate rouge résistent mieux à la cuisson que leurs homologues jaunes. Outre la première description de la valeur nutritionnelle de la tomate jaune transformée, l’originalité du travail publié par les chercheurs de l’INRA d’Avignon réside dans l’analyse simultanée de trois familles de micronutriments constitutifs de la tomate : les caroténoïdes (par le suivi du ß-carotène et du lycopène), les polyphénols et la vitamine C. Les chercheurs ont étudié deux types de transformation, la cuisson, procédé utilisé aussi bien par les industriels que par les consommateurs, ainsi que la lyophilisation. Leurs résultats montrent que la tomate rouge supporte mieux la cuisson que la tomate jaune. En particulier, ils n’ont pas observé de changement de la teneur en ß-carotène et en lycopène chez la variété rouge, alors qu’ils ont constaté une perte importante chez la tomate jaune. Les polyphénols, de même que la vitamine C connue pour être très peu résistante à la chaleur, voient quant à eux leur taux diminuer dans les deux variétés. Concernant la lyophilisation, un processus de conservation couramment utilisé par les chercheurs en laboratoires pour conserver les échantillons sur le long terme, ils ont observé que cette dernière avait un impact négatif sur la teneur en caroténoïdes chez les tomates rouge et jaune et sur la teneur en polyphénols uniquement chez la tomate jaune, tandis qu’elle était sans effet sur la vitamine C. Ces résultats expérimentaux remettent donc en cause le caractère supposé jusqu’ici inoffensif de cette technique. L’étude des mécanismes d’évolution de ces micronutriments au cours de la transformation de la tomate est actuellement en cours, afin d’examiner la survenue d’éventuels phénomènes de protection et/ou d’interaction entre les micronutriments. Ces nouvelles données s’avèreront certainement précieuses dans le domaine de la nutrition humaine et pourraient être utilisées par les industriels pour des changements des procédés de transformation de la tomate.
Source : Agriculture du Maghreb