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Tomate à la reconquête du goût
(11/12/2012)
En privilégiant des tomates à la couleur uniforme, les producteurs ont depuis des décennies sélectionné, sans le savoir, un gène qui diminue la photosynthèse et donc la saveur du fruit. « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », celui où les tomates avaient du goût. Cette complainte qui revient comme une litanie aux oreilles des producteurs de tomates a porté ses fruits : selon Christophe Rothan, directeur de recherche à l’INRA (France), « d’énormes efforts ont été entrepris au niveau génétique pour introduire des gènes de qualité, notamment par des croisements avec des variétés anciennes ». Le traumatisme des années 1980 et 1990 qui ont vu fleurir en tête de gondole des tomates uniformément rouges, rondes, fermes et sans goût, est donc en passe d’être révolu. « Les sélectionneurs travaillent à élaborer de nouvelles variétés qui gagneraient en goût tout en conservant les qualités des tomates actuelles. C’est-à-dire des tomates à haut rendement, résistantes aux maladies, avec une longue durée de vie du fruit, et adaptées à des modes de culture variés », précise Christophe Rothan. Gène dominant ou récessif : comparatif Une équipe, constituée de biologistes américains, espagnols et argentins, vient de montrer qu’un caractère génétique récessif conférant à la tomate une couleur uniforme s’était imposé au détriment de la version dominante du même gène qui favorise, elle, la photosynthèse. Or, si la photosynthèse s’affaiblit, le fruit peine à se gorger de lumière. Il devient moins rouge et moins sucré. Cette sélection ne date pas d’hier puisque selon les chercheurs, cette couleur uniforme a été sélectionnée depuis 70 ans. Christophe Rothan le confirme : « Les variétés anciennes de tomates sont plus colorées là où se trouve l’attache, et plus pâles au bas du fruit. Si ce trait de caractère rare a été sélectionné dans les variétés que l’on trouve aujourd’hui, c’est parce que les consommateurs réclament des fruits aux couleurs uniformes. C’est exactement comme pour les agrumes : alors que la couleur naturelle des mandarines est un panaché de vert et d’orange, celles que l’on trouve aujourd’hui sont unicolores ». Tous les goûts sont dans la nature Le consommateur serait ainsi indirectement responsable de la baisse de qualité qu’il déplore aujourd’hui. La production se serait adaptée à ses desiderata comme de pouvoir manger des tomates uniformément rouges, en toute saison. Des tomates susceptibles de se conserver plus d’une semaine avant d’être mangées et vendues à bas prix au supermarché. Une enquête publiée en 2010 a d’ailleurs montré que l’apparence du fruit était un critère significatif pour les consommateurs. Menée en France, en Italie et aux Pays-Bas, cette enquête a dressé quatre profils types de consommateurs : les « gourmets » qui aiment les tomates gustatives et juteuses, les « traditionalistes » dont la préférence irait aux tomates anciennes, aromatiques et à la chair fondante, les « classiques » qui prisent les tomates fermes, rondes mais sucrées, et les « indifférents » qui n’ont pas d’avis marqué et ont tendance à rejeter les nouveautés. Il n’y a donc pas un, mais des consommateurs aux goûts différenciés et, cette diversité est désormais prise en compte. Toutefois, le goût insipide de la tomate n’est pas qu’une affaire de variété génétique. Elle dépend aussi et surtout du mode de culture. www.universcience.fr
Source : Agriculture du Maghreb